M. le Maire,

J’avais lu avec intérêt le reportage du Télérama n ° 3502 qui vous était consacré (http://www.telerama.fr/monde/dans-le-haut-jura-un-maire-des-chevres-et-des-hommes,154306.php). J’avais pris plaisir à y découvrir votre attachement sincère à votre ville et toute l’énergie que vous consacrez pour améliorer le cadre de vie de vos habitants.

Dans le dernier Télérama n° 3514, j’ai lu avec davantage de scepticisme votre analyse des résultats de la présidentielle. En tant que citoyen « voisin » résidant à Poligny, et militant actif de la France insoumise, je souhaiterais avec tout le respect que je porte à un élu de la République, vous faire part de quelques informations, dont ma lecture de vos propos m’incite à penser qu’elles vous font défaut.

Vous déclarez :

« Les gens ont voté pour des « gueules », bien plus que pour des idées. Regardez Jean-Luc Mélenchon : C’est vraiment le communisme à l’ancienne, or, ne me dites pas que 19 % des français sont trotskistes. […]. Pourtant, Mélenchon et Le Pen sont arrivés en tête à Morez le 23 avril, ce qui m’afflige ».
La première remarque qui me vient, avant de répondre successivement à vos arguments, c’est le mépris dont vous faites preuve à l’égard de vos concitoyens, sous le seul motif qu’ils ne sont pas de votre avis.
Ensuite, vous pouvez en effet penser que M. Mélenchon a une gueule, vous pouvez même penser qu’elle est trop grande, mais dire que les électeurs de M. Mélenchon ont davantage voté pour sa « gueule » que pour ses idées, c’est méconnaître fortement la sociologie du vote de la France insoumise. Visiblement, les enquêtes d’opinion post électorales vous ont échappé et elles vous contredisent. 84 % du vote Mélenchon était un vote d’adhésion à un programme (quand, par comparaison, à peine plus de 40 % du vote Macron -du premier tour- était un vote d’adhésion).
Sur votre caricature du « communisme à l’ancienne », il vous aurait fallu argumenter davantage, mais je souhaite clairement vous soulager. Non, rassurez vous, 19 % de vos concitoyens ne sont pas des trotskistes. Tout simplement car M. Mélenchon lui-même n’est pas trotskistes. Il n’a jamais appelé à l’instauration d’une république des Soviets, à moins que vous n’ayez considéré que son projet de 6ème République en fût l’objectif. Là encore, je vous rassure, le projet de 6ème République, qui demeure d’une entière actualité dans le cadre des élections législatives ne vise aucunement à l’instauration d’une République des soviets, mais plus modestement, à proposer un meilleur équilibre des pouvoirs dans notre constitution hyperprésidentielle, et qui, par son fonctionnement, tend à détourner les citoyens des décisions publiques.
Votre affliction à voir M. Mélenchon et Mme Le Pen en tête dans votre commune n’a d’égale que mon interrogation : Sincèrement, comment vous étonner que des électeurs votent pour les deux seuls candidats qui remettent en cause la « mondialisation heureuse » dans une ville dont vous dites vous-même qu’elle est « frappée par les délocalisations » ? Bien que je regrette comme vous qu’une bonne partie se reporte sur un parti antirépublicain, ce que vous ne pouvez pas dire de notre mouvement.
Au passage, et avant d’en venir précisément à nos propositions, ce qui m’afflige, moi, c’est que malgré votre sens aigu de la morale (et de la leçon de morale) en politique vous ayez néanmoins voté, certes déçu, pour le candidat Fillon, le plus indéfendable éthiquement de tous les candidats.

Enfin, s’agissant de vos attentes quant au nouveau président, que je me permets d’élargir à vos attentes de la classe politique en général, mon hébètement est le plus total. Je me suis d’abord demandé s’il ne s’agissait pas d’un canular, ou bien, si du début de votre interview à la fin vous n’étiez pas, comme nous, devenu un insoumis. Plus terre à terre, j’en ai finalement conclu que vous aviez simplement jugé notre programme sans en connaître l’essence, raison pour laquelle je vous le remets par ce courrier. Je vous cite :
« Le travail, ça devrait être un moyen d’émancipation, un moyen d’avancer dans la vie dignement, mais aussi avec passion ».
Or, la Proposition 25 : « Eradiquer la précarité, respecter les métiers et les travailleurs » du programme L’Avenir en commun fustige, comme vous, « cette vision jetable des salariés qui dévalorise le travail, nie les métiers et les savoirs-faire ».
Plus loin, vous dites :
« Il faut retirer le pouvoir à la finance ».
Ici, pour être honnête, je me suis demandé si je n’avais pas dans les mains un dangereux tract trotskiste. Puis, je me suis rappelé de notre proposition n° 19 « Mettre au pas la finance », dans laquelle nous déclinons des mesures très concrètes et très efficaces pour atteindre l’objectif que vous évoquez également.
Vous terminez :
« Il faut se battre pour inverser ce cycle infernal, et mettre de l’argent, privé et public, à des endroits stratégiques ».
Là encore, votre rhétorique m’a davantage rappelé les congrès syndicaux que les cénacles feutrés des experts néolibéraux, et j’en ai déduis votre penchant probable pour notre proposition n° 18 : « Engager un plan de relance de l’activité et de l’emploi au service de la transition écologique ». A condition toutefois que vous jugiez, comme nous, stratégique la transition écologique.
Enfin, votre phrase de conclusion « En pensant à notre avenir en commun » a eu le mérite de mettre tous les insoumis derrière vous puisque vous repreniez mot pour mot le titre de notre livre-programme L’avenir en commun, ce dont je vous remercie chaleureusement, en leur nom.

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