La politique forestière française actuelle pourrait se résumer par « Produire plus [de bois], tout en préservant mieux [la biodiversité] ». En effet, la filière forêt-bois française souffre d'un gros déficit commercial (5,7 Mds €). Laurine OLLIVIER, conseillère forestière à l'ADEFOR 39 (Association Jurassienne de Développement Forestier), nous explique l'importance pour les propriétaires privés de se regrouper.
Produire plus, peut-être… mais pourquoi ?
Car le bois est un matériau indispensable à bien des niveaux :
- utilisé dans la construction ou l'ameublement, le bois se substitue à des matériaux énergivores et polluants (aluminium, acier, béton, plastiques,…),
- en bûches, déchiqueté ou compacté, il est une source d’énergie renouvelable,
- enfin, la filière forêt-bois pèse 440 000 emplois en France.
Produire plus, d'accord… mais où? Dans quelles forêts ?
Dans le Jura par exemple, où la forêt productive recouvre presque la moitié du territoire, 50 % des forêts sont publiques et 50 % appartiennent à des propriétaires privés. La moyenne de la surface de forêt par propriétaire privé y est inférieure à 2 hectares. Si les forêts publiques ainsi que les plus grosses forêts privées sont gérées de longue date, il en va différemment pour les petites forêts. Dans ce département, c'est là que le potentiel encore inexploité se trouve.
Produire plus, oui… mais comment ?
Comment mobiliser plus de bois quand un propriétaire privé possède en moyenne 2 hectares ? S’il veut gérer sa forêt, un propriétaire doit pouvoir répondre à la question suivante : «Est-ce que mon lot de bois va intéresser un bûcheron ou un acheteur ?»
Un bucheron-débardeur est payé selon le volume de bois abattu et débardé. Un transporteur de grumes est payé selon le volume de bois transporté. Pour que leurs activités soit rentables, les professionnels du bois travaillent avec des propriétaires qui proposent des volumes de bois suffisants. Il faut pouvoir remplir au moins un camion de bois (environ 30 mètres cube). Malheureusement, certains propriétaires seuls peuvent avoir du mal à réunir ce volume tout en gérant leurs forêts de manière durable.
Une solution actuellement proposée et utilisée dans le Jura par les organismes de développement publics est le regroupement de propriétaires.
Se regrouper et gérer en commun ses parcelles de bois permet à la fois :
- une valorisation économique des petites parcelles : en proposant des lots de bois regroupés et donc plus importants, les propriétaires sont assurés d’intéresser un ou plusieurs acheteurs et d’être payés au prix du marché.
- une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux : préservation de la biodiversité, intégration des changements climatiques dans le gestion, conservation d'un bon équilibre faune-flore (voir article du Dr Cateau).
- des économies d’échelle : les professionnels se déplacent une fois pour un gros lot plutôt que 10 fois pour des petits volumes.
- une solidarité entre les propriétaires : se regrouper, c’est ne pas être seul face à la multitude de professionnels qui existent, c’est se faire conseiller et échanger avec d’autres.
Le regroupement est également un atout pour des propriétaires éloignés qui souhaitent gérer leur parcelle alors qu'ils ne peuvent se rendre régulièrement sur place.
L’Etat met de plus en plus de pression sur la forêt privée afin d’y faire sortir davantage de bois et il n’est pas exclu qu’un jour il puisse décider d’intervenir ou de contraindre la gestion de ces forêts. Alors autant s’organiser dès à présent et se regrouper pour gérer durablement notre patrimoine forestier !